René Gilson, une œuvre généreuse et engagée, entre nostalgie et lucidité…
Homme du Nord et enfant du bassin minier de Lens, ville où il vient de décéder à 96 ans, René Gilson a eu plusieurs vies.
Prof de lettres, d’abord à Lens, puis plus tard en banlieue parisienne, il épouse, dès après la seconde Guerre mondiale, la cause des ciné-clubs et rejoint la FFCC dont il devient le Secrétaire général aux côtés de Jacques Becker, Président.
Il intègre aussi sa revue, « Cinéma …», où il écrit de longues années durant.
Dans la foulée de mai 68, enseignant à la fac de Censier Paris III, il est l’un des initiateurs les plus engagés dans la création du département cinéma de celle-ci (le DERCAV), connu aujourd’hui pour être devenu « l’un des meilleurs ».
Il entame dans le même temps une carrière de cinéaste avec « L’Escadron Volapük » (1970), découvert à la Quinzaine des réalisateurs de Cannes.
Pochade joyeuse et anarchiste, comédie antimilitariste, vaguement inspirée des « Gaietés de l’escadron » (le film, signé en 1932 par Maurice Tourneur), c’est une sorte de chef d’œuvre de l’esprit post soixante-huitard.
Tout antimilitariste qu’il fut, il doit son titre à un général.
De Gaulle en l’occurrence, à ses digressions lors d’une conférence de presse, évoquant Dante, Goethe et Chateaubriand, dont le génie serait alors menacé par l’éventuel avènement d’un volapük européen.
« La Brigade » (1974), film rigoureux davantage qu’austère, quasi bressonien, évoque la vie quotidienne des résistants dans le Nord de la France et reste assurément son film le plus remarquable et le plus maitrisé.
De « Ma blonde entends-tu dans la ville » qui se déroule au printemps 36 (dans le Nord évidemment) et qui lui vaut le Prix Jean Vigo en 1980, il dit «(…) j’ai été frappé là-bas par la façon dont le Front populaire a été vécu. Dans une sorte de naïveté, de simplicité politique. Essentiellement avec le cœur, loin des consciences politiques d’aujourd’hui (…) ».
Sa mise en scène dépouillée, dépassant le naturalisme, pour y substituer une manière de réalisme stylisé, n’est pas sans évoquer certains films de Jacques Becker et, indirectement, ce parfum si particulier des films du Jean Renoir de l’époque concernée.
L’œuvre filmée de René Gilson restera singulière, par l’élégance de son approche humaine, son humanisme donc, et l’acuité de son observation de l’histoire, des années trente aux années soixante-dix (cela intègre deux autres de ses films, « On n’arrête pas le printemps » et « Juliette et l’air du temps").
René Gilson a encore été l’auteur de quelques ouvrages de référence, sur Becker justement, Jacques Prévert ou Marilyn Monroe. Mais c’est surtout, chez Seghers, sa monographie de Jean Cocteau qui s’avère être l’une des plus brillantes consacrées au plus grand poète-cinéaste que nous retiendrons d’abord.