Journaliste au long cours (il a collaboré pendant trente-cinq ans à l’AFP après avoir débuté à RFI et à Libération), José Maria Riba restera avant tout comme un formidable découvreur de talents et bâtisseur de ponts dans le domaine du cinéma. Vingt ans après avoir amené le premier film d’Alejandro Iñarritu (Amores Perros) à Cannes, quinze ans après avoir lancé la programmation Espagnolas en Paris, pour faire passer les Pyrénées à une cinématographie espagnole méconnue, il est mort le 1er mai à Paris des suites d’un cancer aggravé par le coronavirus. Il était âgé de 68 ans.
Etroitement lié à l’Euzkadi, José Maria Riba n’en était pas moins né à Barcelone, en 1951. Il grandit et étudie au Pays basque espagnol, sous le franquisme. Militant engagé contre la dictature, il quitte l’Espagne dans les années 1970 pour achever ses études de journalisme à Paris. Il fait ses débuts en 1980 à RFI, où il couvre le cinéma pour le service en langue espagnole. Après une tentative avortée de retour au pays, comme collaborateur du Parlement basque, il revient à Paris en 1982 pour travailler à l’Agence France-Presse. D’abord reporter (il couvre, entre autres, la guerre civile au Salvador), il passe ensuite à la « grande nuit », vacation qui lui permet de mener une double vie, de journaliste nocturne et d’homme de cinéma diurne.
A partir de 1980, Riba collabore au festival de Saint-Sébastien, comme programmateur. Au fil des ans, le cinéma espagnol se réveille, se diversifie, à l’ombre du succès international de Pedro Almodovar. En même temps, de l’autre côté de l’Atlantique, l’Amérique latine sort de l’ère des dictatures, Argentins, Paraguayens, Chiliens retrouvent le chemin des festivals, souvent avec son aide. A Saint-Sébastien, José Maria Riba imagine de nouvelles structures pour favoriser les coproductions entre l’Europe et l’Amérique. En 2001, il crée Cinema en construccion (Cinéma en construction), qui réunit la manifestation basque et les Rencontres Cinélatino de Toulouse. Ces ateliers, qui favorisent l’éclosion ou l’achèvement des premiers films de jeunes réalisateurs, voient passer l’Argentine Ana Katz, le Chilien Pablo Larrain ou le Mexicain Amat Escalante.
Modestie, humour et intransigeance
Membre du comité de sélection de la Semaine de la critique à partir de 1993, José Maria Riba en est nommé délégué général en 2000. Il ne restera que deux ans à la tête de la section cannoise (l’un de ses successeurs, Jean-Christophe Berjon, évoque, dans un hommage sur Facebook, « l’impétuosité » qui valut à Riba d’être remercié), juste assez pour inviter Guillermo del Toro, avec Cronos, ou Alejandro Gonzalez Iñarritu, avec Amours chiennes.
A Paris, avec deux autres amoureux du cinéma, Julio Feo, rencontré à RFI, et le correspondant culturel d’El Pais Octavi Marti, Riba crée et anime une émission sur CinéClassics, une chaîne de la filiale espagnole de Canal+. Pendant huit ans, de 1994 à 2002, le trio nourrit le public espagnol de son érudition et de ses enthousiasmes.
En 2005 a lieu au Majestic Passy, dans le 16e arrondissement de Paris, la première séance d’Espagnolas en Paris, qui reprend, avec une faute d’orthographe assumée, le titre d’un film que le réalisateur Roberto Bodegas a consacré en 1971 à l’émigration vers les beaux quartiers. Il s’agit pour Riba et ses complices, parmi lesquels l’actrice Laura Del Sol, de proposer une image plus complète du cinéma espagnol que celle qu’offrent les distributeurs français. Ces séances mensuelles essaiment et donnent naissance, en 2008, au festival Différent ! L’autre cinéma espagnol, qui est accompagné de rencontres professionnelles entre producteurs français et espagnols.
Depuis 2016, José Maria Riba avait repris l’animation de la cérémonie des Lumières de la presse internationale, palmarès du cinéma français décerné par les correspondants étrangers en poste à Paris. Devenu délégué général de la manifestation créée vingt et un ans plus tôt par Daniel Toscan du Plantier, il lui avait redonné un lustre certain.
Chacune de ces manifestations, de ces initiatives, José Maria Riba les avait marquées de la même modestie, du même sens de l’humour, de la même intransigeance esthétique. Il suffisait de le voir traverser une foule à Cannes, Saint-Sébastien ou Berlin pour voir que les innombrables saluts qui l’accueillaient ne procédaient pas des convenances ou de la mondanité, mais du respect et de l’amitié.
1951 Naissance à Barcelone ;
1980 Intègre l’équipe organisatrice du Festival international du film de San Sebastian ;
1982 Intègre l’Agence France-Presse ;
2000-2001 Délégué général de la Semaine de la critique, à Cannes ;
2000 Présente, à Cannes, Amores Perros, d’Alejandro Iñarritu ;
2005 Participe à la création d’Espagnolas en Paris ;
1er mai 2020 Mort à Paris.